[34] printemps 2020
San Andrés, il n’y a pas meilleur endroit au monde
[34] pages 4-8

Je m’étais promis de ne jamais écrire sur l’île. Il y a maintenant huit ans, j’ai découvert un petit coin de paradis, dans les eaux du sud-ouest caribéen. Il fallait que personne n’en entende parler. C’est ce que je me disais avant d’y vivre. Aujourd’hui je romps ce vœu et je témoigne. Toujours par amour pour cet archipel. Il est 23h40, nous sommes le 1er novembre 2019. C’est la nuit des morts.
Laura Mottaz Rubio
Vertiges de voyage
[34] pages 9-11

Cette histoire est la mienne. Des milliers de femmes pourraient la raconter. Avec une issue variable. Parfois les montagnes sont des immeubles, les trottoirs des territoires inconnus et le danger se glisse en travers de la rue. Bien plus souvent, il s’immisce dans l’intimité: en France, 80 à 90% des viols sont commis par des proches. Mais c’est de voyage dont il est ici question.
Anna Duhesme
Entr’aperçu
[34] pages 12-13

Chère Couleur des jours,
Voici le texte sur les yōkai. C’est un préambule au spectacle, il est fort possible qu’il n’apparaisse pas tel quel dans la création finale. Je l’ai voulu comme un dialogue conflictuel entre deux langages, l’un contaminant l’autre et inversement. Au fond, c’est comme si Maupassant rencontrait Johnny Rotten. J’ai tenté de maintenir en équilibre ces multiples voix sans jamais en faire gagner une. Le texte est en quatre parties. Chaque partie faisant écho à celle qui précède, ce qui donne l’effet, je l’espère, d’un texte qui se répète tout en se transformant (comme les yōkai). Cela permet aussi de s’affranchir progressivement du sens et de perdre un peu le lecteur s’il est prêt à jouer le jeu. J’ai pris quelques libertés avec la ponctuation, oui.
Nicolas Carrel
Présence des yōkai 妖怪
[34] pages 14-16

Tour à tour monstres, spectres, fantômes, lutins, génies, apparitions, mais aussi phénomènes naturels inexpliqués, les yōkai représentent toutes les formes que peut prendre l’imaginaire de la peur. Ils oscillent entre espièglerie, farces de plus ou moins mauvais goût, malice pure, sans compter les incursions dans des terrains aux émotions plus sombres, culminant en de la jalousie ou du ressentiment meurtrier. Malléables à souhait, les yōkai s’immiscent dans, ou plutôt sont une partie constitutive de, tous les types de discours et médias touchant de près ou de loin à la nébuleuse tentaculaire du soft power japonais. À ce titre, ils couvrent un territoire extrêmement vaste, des cours d’école aux films d’horreur et d’épouvante, sans parler de n’importe quel recoin obscur ou ambivalent – au Japon comme ailleurs dans le monde.
Carina Roth
Guillaume Tell le Coréen. Une infiltration littéraire
[34] pages 20-21

Dans l’une des villes les plus modernes du monde, des germanistes lisent Guillaume Tell. Ils le suivent dans sa dérive vers l’archipel des Philippines et retrouvent sa trace dans leur propre histoire. S’engage alors un périple en équilibre entre des revendications nationalistes et les traces d’une libération non confinée aux frontières d’un pays.
Annette Hug, Camille Luscher
Bribes de la condition humaine
[34] pages 22-23

Le regard photographique de Max Pam instille une espèce de malaise et tout à la fois l’envie de s’adonner aux plaisirs exotiques de pays proches ou lointains. Son ouvrage The Sea of Love est ébouriffant!
Jean Perret
Brèches et fissures
[34] pages 25-31

«Cracks». Voilà le mot-clé des 24e Journées photographiques de Bienne, qui ont choisi des projets révélant le climat de ruptures de ce début de XXIe siècle, et qui incitent aussi à le dépasser. Nous faisons ici écho à trois de ces propositions.
Marwan Bassiouni, Anthony Ayodele Obayomi, Małgorzata Stankiewicz
Prix suisses de littérature
[34] pages 33-37

Cette année, les Prix suisses de littérature ont été décernés à deux ouvrages publiés en français – François Debluë (La Seconde Mort de Lazare, L’Âge d’homme), Pascal Janovjak (Le Zoo de Rome, Actes Sud) – et à cinq ouvrages écrits dans les autres langues nationales et que vous découvrirez dans ces pages, fruit d’une collaboration avec l’Office fédéral de la culture. Un Prix spécial de traduction a honoré Marion Graf, à qui l’on doit nos lectures en français de Robert Walser comme de bien d’autres livres dont elle s’est faite la passeuse, depuis l’allemand et le russe. Quant au Grand Prix suisse de littérature 2020, il est allé à Sibylle Berg, née en 1962 en RDA, exilée à l’Ouest dès 1984, et qui vit à Zurich. Écrite dans «une langue qui dit sans détour ce qui reste dans les ruines», son œuvre foisonnante et multiforme (romans, essais, pièces de théâtre et radiophoniques), traduite dans une trentaine de langues, vise, selon le jury, à «comprendre ce que le néolibéralisme et la technologie font de l’homme, cet être imprévisible et sentimental».
Flurina Badel, Doris Femminis, Christoph Geiser, Noëmi Lerch, Demian Lienhard
Topia. Un voyage dessiné
[34] pages 38-41
Jérôme Stettler
Abbas Kiarostami, l'œuvre ouverte
[34] pages 42-43

Le cinéaste iranien (1940-2016) est à l’honneur ce printemps à la Cinémathèque suisse à Lausanne et au Centre Pompidou à Paris. Il l’est aussi avec la parution d’un ouvrage signé par deux grands connaisseurs du réalisateur et du monde culturel iranien. Outre des analyses fouillées de la «force paisible de son cinéma», le livre rend compte de son engagement comme enseignant, de son exploration des technologies, de sa pratique de photographe et de poète. En voici deux extraits.
Agnès Devictor, Jean-Michel Frodon
Figures d’exil
[34] pages 44-46

Entre coronavirus, diversité des genres et migrations, quelques réflexions sur notre relation à l’autre, nourries de lectures, de films et de spectacles qui donnent du souffle aux prises de conscience et aux engagements. L’ouverture à l’autre se cultive au fil des jours. Y compris quand des nœuds viennent emmêler ce fil: le 18e Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) a été annulé pour des raisons sanitaires. Mais il continue à «donner la parole aux activistes et aux artistes, dénoncer des abus partout sur la planète et mettre en lumière des solutions possibles» et les propositions de ce texte restent d’actualité.
Élisabeth Chardon
 
L’enfant lézard
[34] page 47

L’enfant ouvre d’abord l’œil droit, puis le gauche. Il a la tête à deux endroits. Une fois à Ripa, où rien ne peut lui arriver, et une fois dans l’appartement, où il doit compter ses pas. Quatre pas jusqu’à la table, deux jusque sous le buffet, un grand pas jusqu’à l’évier et dix petits pas de la cuisine jusqu’au milieu du long couloir. Le point le plus éloigné est la stanza in fondo, la chambre du fond. En cas d’extrême urgence, il faut à l’enfant exactement vingt-trois pas pour y atteindre la grande armoire. Dehors aussi, l’enfant veut compter ses pas. Mais la lumière vive frappe son visage et l’aveugle. (…)
Vincenzo Todisco
 
Chronique
Jean-Louis Boissier, Yann Courtiau
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